Administrative staff
Institut für Französische Sprach- und Literaturwissenschaft
Maiengasse 51
4056 Basel
Schweiz
Titre de la thèse : « Au premier coup de canon d’alarme, les villes disparaissent et la nation est debout » : pour une analyse de la fabrique littéraire de la nation haïtienne (1804–1915)
Depuis ce qu’il est convenu d’appeler a posteriori « l’effet Herder », langue et littérature sont perçues comme des propriétés distinctives des États-nations en devenir et revêtent par conséquent un rôle primordial dans l’écriture du « roman national » (au sens de grand récit fédérateur). L’histoire politique actuelle définit, en effet, toute nation comme une construction discursive, un récit partagé, sans cesse remanié et tel que ces communautés « se distinguent non par leur fausseté ou leur authenticité, mais par le style dans lequel elles sont imaginées » .
Or, si ce mot de style invite à penser sous un angle esthétique les variables singularisant les nations, approcher la dimension littéraire de la fabrique nationale d’Haïti est d’autant plus pertinent que les écrivains et leurs textes ont, dès la fondation du pays en 1804, assumé un rôle clé dans ce processus. Marque de cette solidarité durable, lors de l’invasion américaine de 1915 le poète Edmond Laforest fera coïncider perte de souveraineté collective et autodestruction des lettres, voire de la langue : il se suicide, un dictionnaire Larousse au cou.
En examinant entre ces dates la part que la littérature a reçue dans l’imaginaire national haïtien et la manière dont elle a contribué à le forger, le projet cherchera à rétablir entre histoires politique et littéraire un dialogue interdisciplinaire absent de la plupart des travaux disponibles sur la période. Cette chronologie permettra en outre d’étudier l’impact successif de diverses configurations socio-politiques (indépendance ; oscillation entre république, empire et royaume ; guerres civiles ; morcellement géographique ; menaces sur la souveraineté), afin de comprendre si la revendication d’une présence au monde haïtienne, s’exprimant à travers l’imaginaire de l’État-nation, relève du mimétisme ou, pour reprendre Michel de Certeau, s’apparente à des “arts de faire” par lesquels cet imaginaire est réinvesti de nouveaux contenus symboliques. Enfin on questionnera ainsi un paradoxe : pourquoi Haïti, deuxième nation constituée en Amérique, demeure-t-elle largement absente des études sur l’émergence de l’imaginaire national ?
Quick Links