M.A. Valentine Bovey
Assistant / PhD candidateAssistant / PhD candidate
Maiengasse 51
4056
Basel
Schweiz
Présentation
Juste après un Master terminé en 2023 en français moderne, philosophie et études théâtrales à l’Université de Lausanne, Valentine Bovey rejoint le Séminaire d’Études Françaises de l’Université de Bâle en tant qu’assistante-doctorante au sein de la chaire de littérature française et générale. Sa thèse porte sur la littérature qualifiée de « pornographique » au tournant du siècle.
Mon projet de thèse est issu de mon mémoire consacré à Monsieur Vénus, roman publié par Rachilde en 1884. Ce travail s’interroge sur les effets d'un texte littéraire en matière de sexualité. Ce roman qualifié en son temps de « pornographique » dépeint des rapports sexuels qui ne s’alignent pas sur les représentations hégémoniques : il fait le récit de la domination financière et sexuelle d’une aristocrate travestie en homme sur un ouvrier travesti par elle en femme.
Envisageant dans la longue durée la réception de cette fiction, ceci permet de réfléchir sur la surprenante continuité entre une réception attestée de ce texte par la communauté homosexuelle du Paris fin-de-siècle (1880-1900) et les lectures queer établies par ses exégètes américain·e·s une centaine d’années plus tard aux États-Unis. Ces dernier·ère·s font de Rachilde, aux antipodes de son positionnement politique réactionnaire, une écrivaine proto-queer. Ces interprétations sont favorisées par une transmission difficile à travers les époques, du fait de la disqualification des œuvres qualifiées de « pornographiques », des obstacles éditoriaux, et d'une résistance de ces textes à la classicisation. Leur partage forme néanmoins des « communautés interprétatives », pour reprendre le terme de Stanley Fish, confidentielles. Ces textes devenant le produit de lectures conditionnées par des normes sociales et institutionnelles, la distinction entre interprétation et usage du texte se trouve résolument brouillée. De tels phénomènes invitent à une réflexion sur la manière dont des communautés sexuelles marginalisées (i.e. homosexuelles, fétichistes, etc.) peuvent se rassembler autour d’écrits comme autant de points de ralliement. Ainsi, je désire élargir ces réflexions à d’autres auteur·rice·s qui s’inscrivent dans un rapport critique au genre et à la sexualité, comme Jean Lorrain ou Georges Eekhoud pour la fin-de-siècle, et Colette, Proust ou Gide pour le roman moderne. Une étude poussée de leurs écrits permettrait d’établir une archéologie de la réception de leurs textes effectuée par des communautés marginalisées. Il s’agirait également d’étudier ces textes en considérant qu’ils ont un effet producteur, d’abord de concepts psychopathologiques (i.e. inversion, sadisme, masochisme) mais aussi de pratiques sexuelles, puisque que l’on peut considérer que la littérature est l’un des endroits où se forment des scripts sexuels théorisés par John Gagnon. Ce travail rejoint ainsi des questions contemporaines liées au féminisme, comme la question de la dés-essentialisation de l’écriture abordée par Wittig, les différentes conceptions du genre entre les critiques de la French Theory américaines et le champ académique francophone et plus largement des travaux sur les usages des œuvres littéraires.
En effet, cette recherche permettra de concrétiser les communautés interprétatives en étudiant comment ces dernières peuvent désigner des communautés de lecteur·rice·s réel·le·s. Les usages militants de cette littérature dans la deuxième moitié du XXe siècle, mais également dans la période contemporaine (à partir des années 2000), à travers l’étude de rééditions et de leur accueil, permettraient d’interroger le lien entre genre littéraire, genre sexuel et orientation sexuelle. Ces usages circonscrivent un terrain d’étude anthropologique pour explorer l’hypothèse que la littérature pornographique est l’un des lieux où se négocie le genre et la sexualité, où ils peuvent s’expérimenter virtuellement par l’effet de la lecture du « pornographique. »