Rebekka Martic
Assistant / PhD candidate
Rebekka Martic
Philosophisch-Historische Fakultät
Departement Sprach- und Literaturwissenschaften
Professur Brancher

Assistant / PhD candidate

Maiengasse 51
4056 Basel
Schweiz

r.martic@unibas.ch

Après avoir obtenu en 2019 son Master en littérature et sciences du langage françaises et en Histoire, Rebekka Martic a rejoint le Séminaire d'Études françaises de l'Université de Bâle, où elle occupe à présent un poste d'assistante-doctorante au sein de la chaire de littérature ancienne française et générale. Sa thèse, préparée sous le régime de cotutelle et dirigée par Dominique Brancher (Bâle) et Myriam Marrache-Gouraud (Poitiers), est intitulée « Curiosité et cure de soi dans le penser de Montaigne ». 

Sujet de thèse

Ce projet de thèse a pour vocation d’interroger sur un plan lexico-sémantique, moral, rhétorique, épistémologique et anthropologique, les équivoques et les tensions dont la notion polysémique de « curiosité » est porteuse à la fin du XVIe siècle, et concerne plus particulièrement le rôle complexe qu’elle joue dans l’ensemble de la production montaignienne, manuscrite, imprimée et hybridant souvent la main et le « moule » typographique. L’enquête portera donc aussi bien sur les ouvrages destinés à la publication, tels que les Essais (1580-1588/1595), que des textes réservés à une fin privée, comme les inscriptions sur les poutres de la bibliothèque du Bordelais et son Journal de voyage(1580-1581), où sa perspective, oscillant incessamment entre celle du touriste curieux et du curiste tourmenté, permet d’examiner sa manière de penser les articulations entre curiosité(s), soin et souci de soi. Afin d’étudier les spécificités de son approche de la « curiosité » – notion dont l’ambiguïté sémantique et la réversibilité axiologique n'ont que trop souvent été escamotées par les critiques qui ont privilégié les définitions modernes aux sens historiques rattachés à l’étymon latin cura –, l’analyse sera menée en termes de configurations inter- et intratextuelles dynamiques. Pour ce faire, la « curiosité » sera abordée comme…

mot, dans une « historicisation radicale » qui cherche à la situer scrupuleusement dans son rapport à toute une pléthore de parasynonymes généralement partiels, car relatifs à des contextes discursifs particuliers ;

concept, dont les facettes multiples et incertaines seront envisagées sur le fond des discours philosophiques et patristiques dominants avec lesquels Montaigne doit s’accommoder, tout en ne créant pas moins son propre lexique et sa propre sémantique ;

thème littéraire et iconographique prisé depuis l’Antiquité, où la mythologie gréco-romaine et la culture chrétienne développent de nombreux lieux communs à son propos ;

… et comme pratique et modalité concrètes de la pensée et du discours de l’auteur, créateur d’un livre « seul […] au monde de son espèce » (II, 8) . 

 

En vertu du rebond réflexif qui le caractérise, Montaigne est curieux d’objets « singuliers », « insolites », « divers », « difformes » et « monstrueux », comme il en est un lui-même, curieux de la curiosité comme topos littéraire, et curieux de sa propre curiosité, qui serait avec l’étonnement, l’émerveillement et l’admiration, en tant que « passions cognitives » (L. Daston), condition de possibilité de la philosophie, mais aussi son plus intime danger. La curiosité peut contrecarrer la connaissance et la cure de soi, ou au contraire, la favoriser. Aborder la curiosité à partir de plusieurs axes – notamment au sens épistémologique, en l’interrogeant comme expérience des possibilités, mais aussi des limites de l’acquisition et génération de savoirs dans un monde conçu comme une « branloire perenne » (III, 2) ;moral, en tant qu’élément crucial de la crise des valeurs héritées ; anthropologique, en son étrange qualité naturelle et originelle de la condition de l’homme postlapsaire ; viatique, dans sa double fonction d’attribut et d’objet de prédilection du voyageur ; médical, comme expérience apparemment paradoxale de souffrance et de santé (physique aussi bien que mentale) ; et même au sens politique, en tant que désir aussi contagieux que curatif en temps de guerres civiles – permet non seulement de cerner le caractère bifront de la curiosité, mais encore de situer la réflexion de Montaigne dans l’évolution d’une notion qui, à l’exception du discours théologique, se transforme au fur et à mesure d’un vice traditionnel en une vertu possible, voire probable de l’homme. Il s’agit de penser la curiosité aussi bien à travers les objets spécifiques qui la suscitent ou qu’elle découvre, voire fabrique, qu’à travers les affects que ces curiosa mêmes suscitent, et de mettre à jour le lien entre la curiosité comme manière de voir et d’expérimenter le monde, art de vivre et mode d’écrire.

Une piste particulièrement novatrice relève de l’hypothèse d’une solidarité fondamentale entre la curiosité et le genre de l’essai, qui se construit dans un rapport intime avec le scepticisme et l’écriture de soi. Méthodologiquement, ce travail s’inscrit donc à la croisée entre littérature et savoirs, combinant les approches de l’histoire des mots, de l’histoire des émotions, de l’épistémocritique et de l’histoire intellectuelle de la Première Modernité, une époque qui voit avec l’apogée des célèbres cabinets de curiosités l’émergence d’une véritable « culture de la curiosité », où s’affrontent collectionneurs, voyageurs, amateurs et érudits en quête d’observations savantes. En associant à l’analyse interne des textes une étude des dynamiques culturelles au sein desquelles ils participent à l’élaboration de nos représentations, ce projet de thèse cherche donc à articuler poétique et interdisciplinarité pour faire sa contribution au domaine florissant des études montaignistes.

 

Domaines de recherche

 

Littérature et savoirs au XVIe siècle

Théorie des passions à la Renaissance 

Michel de Montaigne (1533-92)

Scepticisme et épistémologie au seuil de la Modernité

Écriture de soi 

Autopathographie

Littérature de voyage à la Renaissance

 

Activités de recherche

Communications

 

  1. « Polypragmosyne et souci de soi : réminiscences plutarchéennes dans les Essais », Journées d’études des doctorants du laboratoire FoReLLIS B (Université de Poitiers), organisées par Clarisse Neau, Adama Diaga Faye et Hugo Semilly, Poitiers, 12 mai 2023.
  2. « Neugier on the road  », Montaigne. Adelskultur, Krieg und riskantes Denken, séminaired’histoireorganisé par Jan-Friedrich Missfelder (Université de Bâle), Bâle, 23 novembre 2022.
  3. « Des mets et des mots de la curiosité chez Montaigne : de la sémasiologie à l’onomasiologie », Journée d’études des (post-)doctorant.e.s du séminaire français de l’Université de Bâle, organisée parJérôme Laubner et Dorine Rouiller, Bâle, 29 juin 2022.
  4. « Antipéristases, palinodies, paradoxes et paradiastoles : la curiosité des Essais sous le signe des troubles épistémologiques de la Renaissance », Journées des doctorants du laboratoire FoReLLIS B (Université de Poitiers), organisées par Marie-Reine Mouton, Manon Petit-Chaton et Elina Galin, Poitiers, 11-12 mai 2022.

  5. « Pe/anser la curiosité avec, chez et de Montaigne », Les Mercredis de l’ED « Humanités », colloque doctoral organisé par François Brizay, Poitiers, 6 avril 2022.

  6. « Analyse du segment Protagoras dict quil ny a rien...-ou dune suite ordinaire(II, 12, Apologie de Raimond Sebond, pp. 526-529 de léd. Villey) », Atelier Montaigne: recherches sur les Essais et la pensée moderne, organisé par Blandine Perona, Thierry Gontier et Emiliano Ferrari, ENS Lyon, 25 novembre 2021.
  7. « “E mutando sempre paese non mi mancava materia di che pascere la mia curiosità” : mobilité et myopies dans les voyages de Montaigne », Nouvelles perspectives montaignistes,journées d’études européennes co-organisées par la SIAAM et l’Atelier Montaigne, Lyon (à distance), 28-29 mai 2021.
  8. « Montaigne, essayiste avant la lettre ? Esquisse de l’état de la question du statut générique des “chapitres” des Essais », L’essai français et les essais du monde, journée d’études organisée par Jiening Ma et Yue Hu (CRRLPM), ENS rue d’Ulm, Paris (à distance), 21 février 2021.
  9. « L’écriture du corps malade comme laboratoire de la curiosité de soi : présentation et discussion de quelques nouveaux axes de recherche du projet de thèse », Text-Körper, colloque doctoral organisé par Ina Habermann, Bâle, 14 mai 2020.
  10. « Le vagabondage comme mode et métaphore privilégiés de l’ars peregrinandi montanienne dans le chapitre III, 9 “De la Vanité” », Écriture, promenade et vagabondage : de Pétrarque à Rousseau, séminaire de Dominique Brancher, Bâle, 7 avril 2020.
  11. « Entre “maladie naturelle de [l’]esprit” et “passion studieuse” curative : polysémie de la curiosité dans les Essais », Montaigne. De la maladie du corps à la maladie du temps, journées d’étude organisées par Dominique Brancher, Benoît Autiquet, Jérôme Laubner, Rebekka Martic (Université de Bâle), Emiliano Ferrari et Thierry Gontier (Université Jean Moulin Lyon III), avec le soutien de l’Atelier Montaigne (LabEx COMOD-Lyon), Bâle, 27-28 juin 2019. 

Organisation d’événements scientifiques

1. Co-organisation avec Dominique Brancher, Benoît Autiquet, Jérôme Laubner (Université de Bâle), Emiliano Ferrari et Thierry Gontier (Université Jean Moulin Lyon III) de la journée d’études Montaigne : de la maladie du corps à la maladie du temps, Bâle, 27-28 juin 2019.